NT
: Vous accordez, semble-t-il, au sein de vos poèmes, une place essentielle à
des figures telles que la métaphore[1]
(et son « complémentaire », la métonymie)[2]
ou l’oxymore[3]
(fréquemment couplé avec le chiasme et la paronomase). Que penseriez-vous
d’une poésie qui fasse, assez largement, voire totalement - ce que certains
courants contemporains prônent parfois - l’économie de telles ressources stylistiques?
Vous sentiriez-vous plus proche de l’analyse proposée par Jacques Lacan qui
considère la métaphore comme un « point de capiton » dans le
langage poétique, qui pourrait, à certains moments, se laisser tenter par une
pente trop marquée vers la dérive métonymique (au demeurant, fondamentale
pour la structuration et du langage et de l’être[4]) ?
Comment votre recours personnel, fréquent, à l’image vous amène-t-il à
concilier l’apport oriental[5]
avec celui de l’occident[6] ?
De même que la tradition avec la modernité ?
FC : Il est vrai que j’ai
souvent recours à la métaphore. J’y vois une influence de la poésie
chinoise. Même si la métaphore est un fait universel, dans la poésie
chinoise, elle est particulièrement fréquente- on pourrait presque parler de « métaphore généralisée »
- parce que les poètes chinois répugnent à exprimer directement leurs
sentiments. A un discours assertif, ils préfèrent un langage métaphorique.
Cela par pudeur sans doute, mais aussi par le fait qu’ils trouvent la métaphore
plus riche et plus efficace. Je pense à ce quatrain de Wang Wei que j’ai
analysé dans un article[7].
Le thème du poème est la séparation de deux époux en raison du départ en
voyage du mari. Donc, le poème décrit la scène où l’on voit la femme –
c’est elle qui parle – demeurant sur la berge tandis que l’homme s’éloigne
en barque sur un lac. Le dernier vers est un « arrêt sur image » :
« Montagne verte entourée de nuages blancs ». L’interprétation
de ces deux métaphores amène à rappeler que, au premier abord, la montagne
verte désigne la femme demeurant sur la berge et le nuage blanc, l’homme qui
s’éloigne. A un degré plus profond, on sait que, selon les principes du Yin
et du Yang, la montagne (Yang) désigne, en général, l’homme et le nuage
(Yin), la femme. Auquel cas, le vers semble faire dire à l’homme :
« Je pars mais je demeure » et à la femme : « je reste
mais ma pensée se fait voyageuse avec toi ». Mais, à un degré plus
profond encore, on sait le lien intime qui relie la montagne et le nuage, dans
la mesure où, selon l’imaginaire chinois, les nuages naissent des entrailles
de la montagne. Puis vont « féconder » la montagne sous forme de
pluie. A ce degré le plus profond, c’est l’ensemble des liens charnels qui
sont en jeu.
En ce sens, je dis que les chinois préfèrent la métaphore au langage dénotatif.
L’expression directe des sentiments ou du désir ne finit-elle pas par s’épuiser tandis
que la montagne, le nuage, eux, sont des éléments de la nature qui, par leurs
liens renouvelés, dépassent ce qu’une expression littérale pourrait
signifier impliquer par trop directement. Donc, cet exemple montre bien le
pouvoir des métaphores. Par ailleurs, la métaphore appelle la métaphore pour
former une sorte de réseau métonymique – à ne pas confondre avec la métaphore
filée. Toujours en référence avec les principes Yin-Yang, cette poésie a
tendance aussi à faire appel aux oxymores, un procédé que je fais mien.
NT
: On lit, dans Cantos Toscans,
« Le carré lumineux de la fenêtre/ Capte les lointaines courbes du
Dehors// Dedans, on reste coi, sûr que tout est dit/ Que rien ne sera dit.
Pourtant ce moment// Infini que seul un œil fini voit. »[8],
et, dans Double chant, « l’infini
ouvert/ Au-dedans de toi-même »[9].
Votre réflexion sur « l’espace infini de l’intérieur »[10]
semble rejoindre, sur certains points, celle de Rainer Maria Rilke, lorsqu’il
évoque le Weltinnenraum, cet « unique
espace/ espace intérieur du monde »[11].
Vos deux approches/paroles poétiques vous semblent-elles voisines ?
Divergentes sur certains points ? Pensez-vous, par ailleurs, que l’on
puisse considérer comme une des caractéristiques principales du poète, de
l’artiste en général, cette aptitude, même passagère, à « capter…
le secret tu »[12],
dans ce qui s’offre à lui du monde extérieur - visible tout autant
qu’invisible - pour l’accueillir au plus intime de lui-même ? Dans une
attitude de disponibilité susceptible de favoriser cette circulation, ce
« Va-et-vient sans fin»[13]
qui, de façon vitale, vivifiante, permet le lien « Entre »[14],
dans cet espace insitué de « l’en dehors-en dedans »[15] ?
FC
: La finitude est notre condition. Elle implique notre destin tragique et, en même
temps, est nécessaire dans la mesure où le particulier, c’est-à-dire
l’unicité, est la condition de base pour que l’univers vivant fonctionne.
C’est par le particulier que l’univers s’éprouve, et par là prend sens.
De sorte que cet élément limité et tragique devient, en un sens, notre atout,
parce que notre âme, ou notre être, peu importe, est capable de donner une
coloration, un éclairage unique à tout ce qui se présente là. Cela
correspond, d’ailleurs, à cette capacité que nous avons de recréer,
laquelle relève de l’art, de la poésie.
Mais,
pour ce faire, l’infini est indispensable parce qu’une finitude qui tourne
sur elle-même ne peut pas esquisser une direction, donc, encore moins, accéder
à un sens. La sensation nous pousse vers une direction, Et par là, vers la
signification ? Ce qui correspond au trois acceptions de base du mot
« sens » en français[16].
La finitude n’est un atout que si elle débouche sur l’infini. Nous découvrons
alors que, tout en étant finitude, l’infini est notre vraie dimension. Le
fait même que nous aspirons à l’infini démontre que l’infini est
l’essence même de notre esprit. Un chien, un porc n’aspirent pas à
l’infini. Je dirais même que, plus nous nous rendons compte de notre finitude
plus nous approfondissons notre besoin, notre vision de l’infini.
C’est là que je dis, à ce propos, que nous pouvons, d’ores et déjà,
parler, de la Voie orphique. Orphée, tant qu’Eurydice est vivante, se
contente de chanter le bonheur, la réalité de ce bonheur d’aimer. Son chant
devient infini, une fois Eurydice morte. Toute cette problématique a créé une
situation paradoxale : que l’infini ne peut être désiré et ressenti -
et, par là, transformé, et transfiguré - que par un œil fini.
NT
: Dans le Enchiridion militis christiani, Erasme[17]
dit: « Le visible doit servir à l’invisible, non, inversement,
l’invisible au visible ». Comment voyez-vous, pour ce qui vous concerne,
notre rapport à ces deux dimensions ?
FC : Le problème du visible-invisible est lié à celui du fini-infini. L’art
consiste aussi à rendre visible. Paul Klee n’a-t-il pas dit que l’art
consiste à « rendre visible ce qui est invisible ». Mais il permet,
de même, d’introduire le visible dans l’invisible, de donner à voir ce qui
n’est pas évident. De plus, il y a désir, tout en rendant compte du visible,
d’introduire l’invisible dans le visible. C’est pourquoi, pour la poésie,
entre les mots, les vers et les strophes, par la litote et le non-dit, par le
jeu des rimes et des assonances l’art poétique introduit cette dimension
d’infini. Les sons résonnent avec un espace « Entre ». Le rythme,
plutôt que la cadence, donne et réalise, de même, cette idée de résonance
qui comporte sa part d’invisible. Tout particulièrement dans la peinture - je
pense à un livre écrit à la demande du Louvre et constitué de commentaires
de 70 tableaux de ce musée, intitulé Pèlerinage au Louvre, qui va
sortir sous peu. Sur la couverture est reproduit le tableau de Watteau intitulé
« Le pèlerinage à l’île de Cythère » (et non « L’embarquement »),
la présence de l’infini se manifeste doublement : dans les nuages, le
ciel au loin et sous la forme de l’infini de l’amour. Watteau a maintenu une
ambiguïté : soit les amants sont en train d’embarquer pour Cythère,
soit ils sont déjà dans l’île et, le séjour terminé, s’apprêtent à la
quitter. De sorte que cette ambiguïté crée une suspension dans le temps,
qui signifie que l’amour est, à la fois, la nostalgie d’un moment vécu et
l’aspiration à un moment à venir. Cela constitue un infini et non un fini,
qui contraste avec la finitude du moment, du présent presque terre à terre.
L’invisible dans le visible : l’art ne peut seulement célébrer le
visible, comme est tentée de le faire, de le démontrer la peinture réaliste.
Dans la lumière d’un tableau de Vermeer, la lumière qui entre manifeste
l’infini dans le quotidien des choses. Dans « l’Astronome », le
cabinet se présente comme un peu sombre, mais au-delà du globe céleste qui
dessine le ciel - l’homme caresse le globe – son regard tend vers la haute
fenêtre. Epousant son regard, nous nous demandons d’où vient la source de
lumière qui incarne l’infini du ciel étoilé, auquel aspire le personnage.
Cette attente de l’infini ouvre l’invisible dans le visible. Nous
retrouverions un même mouvement chez des peintres hollandais de l’intérieur.
Vous savez qu’au XVII(ème siècle), à l’époque de Vermeer, Jacopo
Boehme, mystique allemand – j’en parle parce que je pense au logis sombre
dans cette après-midi où se trouve l’astronomede Vermeer, seul - évoque comment, à un moment donné la lumière qui
vient d’une fenêtre, comme ça, et se « projette » sur un
ustensile en étain, tout ce qu’il y a de plus quotidien. La lumière produit
un reflet un peu irisé. Et, nous dit le texte, « tout d’un coup, il fut
touché, et il se mit à prier ». Il s’agit, là, d’une scène d’illumination.
Pas grandchose : juste cette
lumière qu’il voit. Il y a comme une rencontre miraculeuse entre l’infini
et le fini, le visible et l’invisible. Il doit sa conversion à quelque chose
d’improbable et, dans le même temps, de miraculeux, qui a lieu au sein de cet
univers. La vie lui apparaît, alors, comme un don inouï.
Cela me fait penser à Rilke qui, lors de son séjour parisien, a publié La
nouvelle poésie[18],
sur le conseil de Rodin et a été, par la suite, influencé par Cézanne. Il
a apprisà ne pas se laisser
emporter par les seuls sentiments mais à contempler les « choses ».
La « chose » implique à la fois une présence, une rencontre et,
par là, l’échange. Le visible provoque l’invisible, le fini provoque
l’infini, à travers cette rencontre et cet échange. Pourquoi y a-t-il eu
cette lumière, cette couleur, une teinte, une sensation dans l’âme de
l’homme qui suscite une émotion ? C’est dans cette rencontre avec les
choses, dans cet « Entre » que se trouve l’Ouvert. C’est dans
l’infini, dans l’échange qu’est l’Ouvert. Dans l’échange « Entre »,
comme promesse de l’Ouvert.
NT
: Une lecture de votre œuvre, orientée en direction de la pensée mystique, en
particulier pour un recueil comme Qui dira
notre nuit, semble possible. Considéreriez-vous l’acédie, la « Melancholie »[19]
comme une étape, un passage indispensables, paradoxalement positifs, pour
parvenir à surmonter La nuit
obscure[20], dans
ce qui pourrait s’apparenter à une union sacrée, une amour unitive avec le
monde ? Le poème peut-il, dans cette optique, se charger de « laisser/
Les arbres porter haut leur cime »[21],
et être assimilé à une manière de viatiquepour cheminer vers un
au-delà de l’angoisse et de la mort : « Et le mot sera dit, et
« tu ne mourras pas. » »[22]?
FC : Toute ma vie, l’idée, la
pratique de la poésie a correspondu au désir de surmonter la mélancolie.
La mélancolie, ici, ne suggère pas un état dépressif. Elle désigne plutôt
un sentiment de manque et d’inadéquation par rapport à l’être. Et, à
mesure que je porte le deuil de tant d’êtres, cette mélancolie atteint une
dimension proprement mystique. C’est-à-dire qu’elle s’identifie,
sans prétentions, à la douleur du monde. C’est ainsi que j’essaye de
rejoindre les grands mystiques qui portent en eux cette constante interrogation
ontologique sur le mystère de la vie et de la mort. Leurs paroles, « essentielles »,
sont centrées sur cet effort pour capter les « éclats »[23]
de l’être. C’est pourquoi, dans leur langage, ils procèdent par la
fulgurance. Et ce langage devient « chant ». C’est là un
fait commun, celui d’un chant un peu hébété, incantatoire, qui est le
propre des grands mystiques. En fait, le langage des vrais mystiques, en Chine,
en Inde, parmi les soufis[24],
les chrétiens est poétique. Lao-Tseu ne pouvait pas s’exprimer autrement que
par ce chant essentiel. A partir de là, j’ai la conviction de plus en plus
raffermie, (je me trouve confirmé) dans le fait que la poésie est une
authentique voie qui mène à l’Etre, à travers le chant.
NT
: Dans une période où il semble parfois difficile, voire incongru, pour les poètes
de « chanter », période où le poème adopte volontiers un air désenchanté,
dégrisé, engrisaillé, proche de la dérision grinçante, vous n’hésitez
pas à préserver une dimension lyrique à ce même poème[25]
et maintenez fermement une foi en la possibilité d’« Accéder enfin au
chant/par le pur silence »[26].
Là où « Tu transmues/ En chant// Le vent »[27].
Car « Si le veut ton souffle/nous serons chant »[28].
Auprès du seul « souffle », du « silence », du « vent »
et du « Vide médian »[29],
on pourrait avoir le sentiment de s’approcher, presque dangereusement, du
Rien, voire, peut-être aussi du « non-chant », et, qui sait ?,
du désespoir, de la déréliction . Sans oublier que, en sanskrit,असत्, « a-sat » désigne le Néant tout autant que le Mal, le
mensonge, et que, pour Saint Augustin, le mal est perçu comme une déficience
d’être, proche de « l’impossible néant »[30],
pensez-vous qu’il existe une sorte d’« alchimie » des mots, mêlés
aux plus secrets mouvements de l’âme, où trouver le moyen pour renouer avec
une poésie qui, prenant ses assises sur le Vide initial, le Rien[31],
puisse en manifester comme l’envers, l’élan vers la plénitude, la part
d’énergie désirante ?
FC : Il faut préciser tout
de suite que, dans la pensée chinoise du moins, le Rien, le Vide initial(s)
sont liés au Souffle. On sait que, à partir de l’idée de Souffle-Esprit,
les anciens penseurs chinois ont avancé une conception unitaire et organique de
l’univers vivant où tout se relie et se tient. Le Souffle qui constitue
l’unité de base continue à animer les entités vivantes en les reliant en un
gigantesque réseau d’engendrement et de circulation, en une continuelle
transformation appelé le Tao - la Voie. On voit donc que le Vide, le Rien est
le lieu où le souffle circule et se régénère. Les penseurs et artistes
chinois, habitués à ce fonctionnement du Souffle-Esprit, conçoivent et éprouvent
le processus qui va du Non-être vers l’Etre. Donc, le Non-être n’est pas
le Néant. Le Non-être est ce par quoi l’Etre advient. L’on rejoint
ici la pensée de Heidegger : « L’être est ce qui n’en finit pas
d’advenir ».
C’est dans cette optique que la spiritualité Chan (Zen) prône l’expérience
du Non-être et du Non-Voir, pour accéder à la Vraie-existence et à la
Vraie-voyance. En ce sens, cette voie rejoint, dans une certaine mesure, la Voie
orphique en Occident. Celle-ci, plus radicale cependant, conçoit le passage par
la mort comme une étape nécessaire. Elle sera renforcée, plus tard, par la
Voie christique. Le tout résumé par cette phrase de Goethe : « Meurs
et adviens ».
Dante, même au Paradis, parle encore deux fois de cette expérience
du Rien : certes de la lumière qui aveugle. Mais aussi de l’état de
l’aveugle, de celui qui ne peut plus voir, et qui, cependant, voit ce qu’il
y a là. Homère, lui, voit toutes ces scènes avec d’autant plus de précision
qu’elles sont intérieures. Et décalées dans le temps. En réalité, la part
de ce qui est imaginé est d’autant moins nette que, lorsque nous voyons, nous
sommes sollicités par ce que nous voyons, comme empêchés de bien voir. Il
s’agit bien de « voir, ne plus voir (être aveugle) et revoir »
(selon les Maîtres Song du XI ème siècle). Quand nous revoyons, c’est la
chose même, intériorisée. Non plus son aspect extérieur.
De la même manière, tout poème est un avènement, au même
titre que l’être. Mais né d’une expérience de la douleur et de la
perdition. Que l’on songe aux grandes voies du mal empruntées par Baudelaire
ou Rimbaud. La poésie n’est pas discursive. Le chant est, par essence, sa
manière d’être. « Chanter, c’est être », disait Rilke. Par le
chant, la poésie rejoint la grande rythmique de l’univers.
Pour quelqu’un comme moi, qui ai épousé une autre langue – en
l’occurrence le français – j’ai éprouvé cette ivresse, cette jubilation
de renommer les choses à neuf comme au matin du monde. J’ai une
sensibilité pour la valeur phonique des mots et le rythme syllabique des vers.
Dans Double chant, je chante l’arbre et j’évoque quelque chose qui
s’élève et qui projette une ombre. De même un rocher, c’est quelque chose
qui enrobe et se donne en même temps. Dans un poème, j’ai « épousé »
la croissance d’un arbre par cette suite de sons : « fut » -
« futaie » - « frondaison » - « profondeur »
- « fleurs et fruits » - « flamboiement toujours ». Je
vis de l’intérieur cette croissance. Pour les pierres, j’ai proposé :
« pieds » - «pierre » - « percevoir » - « prescience »
- « présence ».Je goûte
la sonorité de chaque mot et l’enchaînement des mots par leurs sonorités.
Le Rien comme élan vers l’être est donc à mettre en parallèle avec
la poésie comme avènement, comme célébration, en gardant à
l’esprit que même la tragédie est une célébration dans la mesure où elle
révèle le caractère l’essence la nature sacré des choses. Et c’est en ce
sens que je me laisse définir comme lyrique.
1
Entre autres exemples (qui ne
peuvent que correspondre à une lecture subjective) : « Le glaive du
couchant clôt l’horizon » (p.90), « la brise de l’oubli »
(p.128), « Saule de souvenir » (p.203), « L’averse…/baisse le rideau rouillé/de
l’ultime saison » (p.235).
[2]V. vos analyses de ces images dans L’écriture
poétique chinoise, p.94, 96 – et la notion de « métaphores de
métaphores » - 97, 102, 122…
[3]Cette saisissante figure qui unit, paradoxalement, le plus aigu, le plus
subtil (oxus) au plus insensé (moria) et qui fait se suivre - second
oxymore, cette fois sonore et non plus étymologique, comme enchâssé dans
le premier - la lettre la plus « chargée d’électricité »,
le « x », et une syllabe presque murmurée, « mor ».
Et que vous utilisez avec sa faculté de raccourci, de court-circuit extrêmes,
comme dans les couples : « germe-terme », « Cime-abîme »
(Qui dira notre nuit, p.369), « sel-gel » (Id. p.219),
« fini-infini » (Double
chant, p.314), « se souvient-advient » (Le
livre du Vide médian, p. 312) « temps-contre-temps »
(Id. p.321), pour ne citer que les exemples les plus marquants. Liste à
laquelle peut être ajoutée, précise François Cheng : « Dragon-Phénix »,
« tortue-serpent », et, reposant, de plus, sur un jeu phonique,
« violette violentée », « rouge-gorge égorgé »…
[4]« Le désir c’est la métonymie du manque à être », in.
Jacques Lacan, Ecrits. Et, de ce
fait, un des moteurs fondamentaux du mouvement, du déplacement, de
l’agir.
[5]V. p.94 : « Chaque idéogramme est, d’une certaine manière,
une métaphore en puissance »…
[6]Dans ce chassé-croisé linguistique et culturel qui est le vôtre et qui
relève, lui aussi, du chiasme.
[7]V. Lacan, l'écrit, l'image, textes de Jacques Aubert, François
Cheng, Jean-Claude Milner... ; sous la dir. de l'École de la cause
freudienne ; préf. par Rose-Paule Vinciguerra, Paris, Flammarion, 2000. De
même que l’étude du même poème, « Le lac Yi », in L’écriture
poétique chinoise, p.100.
[11]Les affinités apparentes avec la
poésie de Rilke, voire de Hölderlin, permettent-elles, par ailleurs, de
considérer à nouveau, au centre de votre univers poétique, des notions
telles que l’« Ouvert » ou le « Terrible » ?
[12]Qui dira notre nuit,
p.223, v. aussi texte cité supra, p.134.
[16]« sensation », « direction », « signification ».
[17]Cité par Carlo Ossola, dans sa Leçon inaugurale au Collège de France.
[18]
Neue gedichte,1906-1908, époque durant laquelle Rilke écrit de nombreux poèmes sur les
choses du quotidien, les arbres, les animaux, « La panthère »,
le carrousel du jardin du Luxembourg, un Bouddha et les « émanations »
qui semblent s’en dégager…
[19]
Celle de l’Ange de Rembrandt, au regard perdu dans un lointain aussi indéfinissable
qu’intériorisé, comme éperdu de détresse, au milieu d’un
amoncellement d’objets servant à mesurer, emmagasiner tant (trop ?)
de savoir, avec le très présent Soleil noir, celui-là même de Nerval.
[20]Entre autres vers, viennent à
l’esprit « Nuit mère de Lumière/ En son sein Lumière est// Déjà
ultime sursaut/ Mais toujours/premier jet » (p.231). On pense aussi, volontiers, au dernier
vers du poème d’ouverture du Tao-tö
King : « Obscurcir cette obscurité/ telle est la porte de
toutes les subtilités ».
[25]Qui lui sont conférés, entre
autres raisons, par la présence d’un certain nombre d’îlots d’équilibre
phonique constitués d’entrecroisements: « colline »,
« village », (p.135) ou de parallélismes :
« mûrit », « muret », p.239…
[30]Encore que dans La
cité de Dieu, celui qui veut mourir est décrit comme désirant, en réalité,
être. C’est donc l’être, et non pas le néant, que l’homme qui se
suicide recherche dans la mort.
[31]Lequel est, comme chez Lacan,
explicitement rapproché du mot « Désir » dans un poème de Cantos
Toscans : « Rien
que le bleu d’où un jour/ A surgi l’ardente métamorphose// Le Désir
même de nage, de vol » (p.147). Le renversement sonore vient, ici,
apparenter, au cœur de la contradiction, ce qui est « fête »
(et donc « faîte ») pour/de l’être avec sa défaite, son
devenir, inexorable retour au rien.