Ce sont les « restes de vie » qui sont « si
mal enfouis ». Ils émergent des marécages, mal enfouis dans
l’eau verte, mais demeurent insaisissables pour la main qui cherche
à les capturer. Ils disparaissent dès qu’approchés ou aperçus.
Ils sont impossibles à fixer, sinon par le poème qui en même temps
dit leur perte.
Les mots rares et précieux qui composent la poésie exigeante
de Ludovic Degroote prennent acte de la perte de l’être, de
l’impossibilité d’habiter. Les lieux, pas plus que la mémoire
pauvre qui les convoque, ne peuvent servir de fondement à l’être.
Les bribes d’enfance à la fois vécue et imaginée ne peuvent tenir
lieu d’identité : « enfants certes/mais devenus
morts ». Le souvenir d’espaces affectifs qui ne sont le sol de
rien ne contribue pas à une quelconque consolation. L’identité
flottante se tient face au monde insaisissable, un monde dont « nous
ne sommes pas tant séparés /que nous croyons /chacun de
notre côté/glissant dans un sens/notre pente en lutte/contre nos
silences ». Pas de séparation radicale donc entre soi et le
monde mais une pente commune où ils se font face…Si le poème
n’est pas mémoire nette, il n’est pas non plus témoignage pur.
Il est au mieux la rétention fugace de bribes qui coulent à leur
perte, avec la peur portée du savoir seul de cette perte…Ce qui
persiste, c’est « soi » auquel on se cogne sans cesse
alors « que le monde semble immense ».
« j’aurais tellement voulu vivre/hors de
ce temps cloué/qui vous cloue à vous-même ».
La nouvelle maison d’édition de poésie
« Potentille » publie avec discernement quelques recueils
brefs à l’écriture sobre (à part Degroote, on peut notamment lire
Marcel Migozzi, et, à paraître,Robert Momeux , poète rare).
Editions Potentille, 2 rue du platane, 58160 La
Fermeté